Notre Histoire
Une naissance au VIIIe siècle
Mentionné sous la forme « BARRU » en 788 dans une donation à l’Abbaye de Fulda, BARR est un village d’Empire engagé à divers seigneurs dont les Ochsenstein, puis les comtes palatins du Rhin.
La Préhistoire
Peu de traces de cette période si ce n’est que vers 1938-39, Monsieur Ruffin, professeur de physique chimie au lycée de Barr, a voulu construire un terrain de tennis dans sa propriété située Avenue des Vosges. Au cours des travaux, des débris de poterie ainsi que des outils (hache en diorite (1), hache en cornéenne rubanée (2), broyeur en pierre grise (3) et petit grattoir en silex brun-clair (4) de la période de la préhistoire ont été trouvés. Ces éléments pourraient confirmer la présence d’une voie préhistorique qui irait du Moenkalb au Hohwald, via Mittelbergheim et qui aurait franchi la rivière la Kirneck par un gué. Ces objets en cours de classement avant la guerre ont été dispersés par les Allemands.
Dans un tumulus de l’âge de bronze dont l’emplacement est inconnu, on a trouvé deux bracelets en bronze à renflements terminaux, deux fragments d’ornements oxydés, une longue épingle à cheveux et trois anneaux. Ces éléments témoignent d’une occupation à l’âge du bronze et du fer.
L'époque Romaine et le Haut Moyen Age
A Barr même, pas de trace de présence romaine, sauf un nom, la rue Römerscheid qui irait jusqu’à Ittenwiller en passant par la rue de l’Altgass et Mittelbergheim.
30% du mur païen se trouvent dans la forêt de Barr. On y trouve d’ailleurs la porte de Barr découverte et mise en valeur par Zumstein au cours du 20e siècle.
Le Haut Moyen Âge
De nouveaux habitants viennent dans la région, les Alamans après 357 où ils ont été battus par l’empereur romain Julien à Hausbergen. Puis arrivent les Francs avec Clovis après la victoire de Tolbiac en 496. Ils s’installent ici aux 5e et 6e siècles. Les villages se terminant par « willer » sont plutôt alamans et ceux terminés par « heim » plutôt francs.
Le nom de Barr
En Alsace les noms monosyllabiques sont rares, c’est un signe d’ancienneté. C’est certainement la plus ancienne ville du coin.
Origine celtique ? Barro signifie pointe, extrémité
Origine gaëlique ? Bar signifierait cognée, d’où tige, barre, barrière (inspiration du blason de Barr ?)
Origine germanique ? Bar signifie nu, vide (comme dans barfuss, barhäuptig). Dans ce cas cela signifierait, dénudé, défriché. C’est la dernière qui serait la bonne car on pense plutôt que ce seraient des immigrants d’outre Rhin qui ont donné le nom à la ville.
Le nom de la rivière, Kirneck, est d’origine germanique car il est composé de Eck et Quirn, Kirn (moulin).
Le nom de Barr apparaît pour la 1ère fois au 8e siècle sous forme de Barru, Beara, Barra dans une donation à l’abbaye de Fulda. L’orthographe ne sera définitive qu’au 13e siècle.
Autre trouvaille intéressante le long de l’Avenue des Vosges, de part et d’autre de l’école des Vosges actuelle. Deux tombes mérovingiennes ont été découvertes au moment des travaux de construction de cette route après 1930.
Autre témoin de cette période, l’église protestante Saint Martin dont la tour chœur date d’environ 1180 mais qui pourrait être fondée sous la période mérovingienne (6e et 7e siècle).
Barr est donc au départ un village alémanique, installé au pied des collines, comptant des chasseurs, des pêcheurs et des agriculteurs habitant au pied de l’église Saint Martin. Un second hameau existait un peu plus haut près du Buhl mais on ignore aujourd’hui quand et comment ces deux localités ont fusionné.
Le Moyen Age
Les châteaux entourant Barr
Le château d’Andlau est construit entre 1246 et 1264 par Eberhard d’Andlau et appartient aujourd’hui à Guillaume d’Andlau.
Le château du Spesbourg a été construit entre 1246 et 1250 sur un éperon du Rotmannberg par Alexandre von der Dicka et incendié au 16e siècle par les bourgeois de Barr.
Le château du Landsberg a été construit au début du 13e siècle par Conrad de Landsberg pour la défense des abbayes du Mont Ste Odile, Niedermunster, Truttenhausen et Andlau. Il appartient aujourd’hui à la famille de Turckheim.
La moitié des agglomérations disparaît avant 1200. Seules subsistent celles qui ont une église et qui attirent les hameaux voisins. Il fallait aussi regrouper les populations au cours des siècles pour leur assurer une meilleure défense. C’est le cas de Barr qui devient un bailliage ou Vogtei regroupant cinq villages d’Empire, Barr, Bourgheim, Gertwiller, Goxwiller et Heiligenstein. Ce regroupement deviendra la Seigneurie de Barr pour l’exploitation indivise des ressources forestières et agricoles. Il en reste encore aujourd’hui la forêt commune de Barr et 4, les communes mentionnées ci-dessus. La Seigneurie de Barr relevait immédiatement de l’Empire (Reichsdörfer) au moins jusqu’au règne de l’empereur Rodolphe de Habsbourg au 13e siècle.
Pour des raisons financières ces terres seront données en gage à des dynasties nobiliaires : d’abord les comtes Ochsenstein qui en laissèrent l’administration à la famille obernoise des Wepfermann qui construisirent leur château appelé Kleppernburg à l’emplacement de l’Hôtel de ville actuel. Le premier document écrit concernant le château date de 1347 dans un jugement arbitral entre la famille Wepfermann et Nicolas de Haguenau.
Ce château construit vers 1210 fut détruit à deux reprises en 1214 et en 1295 par le diable, d’après la légende, mais plutôt par malfaçon. Il avait pour fonction la protection du village car des fortifications l’entouraient comme le montrent des documents de 1294, 1305 et 1331.
Il reste un mur de fortification visible daté de 1380 environ. Il a été restauré vers 2018 avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France ABF)
Gestion de la famille Wepfermann, puis Ziegler
La famille Wepfermann a commis beaucoup d’exactions et n’était pas aimée. Les Ochsenstein en 1400 ont cédé leurs droits aux comtes palatins rhénans et en 1504 la Seigneurie de Bar revint à l’empereur. En 1522 Maximilien Ier la donna en fief puis en propriété détachée de l’empire à Nicolas Ziegler, originaire de Nördlingen, vice-chancelier de l’Empire (sa pierre tombale se trouve encore dans le clocher de l’église protestante ainsi qu’une stèle de la famille Wepfermann). Nördlingen est à 360 km de Barr, au nord d’Ulm. Sa veuve Barbara épousera en secondes noces un protestant qui éleva les 4 enfants du premier lit dans la religion protestante.
A sa mort, ses fils Maximilien et Frédéric héritèrent de la Seigneurie mais ne surent pas la gérer. Ils seront obligés de la vendre à la Ville de Strasbourg par moitié en 1566 et 1568 pour 42 000 et 48 000 florins. Barr sera complètement protestant jusqu’au rattachement à la France en 1681.
La Ville de Strasbourg achète la Seigneurie de Barr
L’église protestante Saint Martin
Ce sont les frères Maximilien et Frédéric Ziegler qui introduiront la Réforme à Barr vers 1543. Les registres paroissiaux protestants des mariages débutent en 1559, des baptêmes en 1569 et des décès à partir de 1638. Les registres paroissiaux sont écrits en allemand, avec une belle écriture bien lisible. L’église deviendra protestante à partir de 1543. La devise « Cujus regio, ejus religio » s’appliqua à Barr après la paix d’Augsbourg en 1555.
Le clocher roman fut rehaussé en 1571. La nef de l’édifice fut reconstruite au 16e siècle agrandissant ainsi la chapelle d’origine des 14e et 15 siècles.
Barr est la possession la plus riche de la seigneurie de Strasbourg grâce à sa forêt, la viticulture et l’agriculture, mais aussi grâce à son marché hebdomadaire qui a lieu depuis 1430 déjà le samedi sur la place du château. Tout le monde se donnait rendez-vous ce jour-là à Barr. On venait des proches environs mais aussi de Strasbourg, de Niedermunster, du Ried, du Val de Villé et du Ban de la Roche.
La place de la Mairie a longtemps été place du Marché. Six auberges se dressaient sur la place pour accueillir les acheteurs et les vendeurs qui souvent venaient de loin (par exemple de la Vallée de la Bruche pour aller dans une ville protestante, malgré la montagne à traverser). Le Brochet est déjà mentionné en 1517 dans des actes notariés.
Avec le nouvel ordre strasbourgeois, la seigneurie de Barr connaît une période de calme dotée de lois strictes. Les seigneurs précédents étaient capricieux et uniquement préoccupés de chasse. Barr n’était pas une ville à cette période-là et donc ne pouvait pas faire partie de la Décapole. Elle est restée sous la domination du seigneur et n’a pas connu le même essor que les villes libres.
Des cataclysmes naturels et les guerres s’emploieront à détruire Barr au cours du 17e siècle, ainsi que toute l’Alsace d’ailleurs. En 1613, 12 semaines d’intempéries, pluie et grêle détruiront les récoltes. A la même période le couvent et la chapelle St Ulrich furent détruits.
Un village devenu bourg dès le XVI ème siècle
Dès le 16 -ème siècle, Barr forme avec Heiligenstein, Gertwiller, Goxwiller et Bourgheim la Seigneurie de BARR. L’Empereur Maximilien a donné cette seigneurie en toute propriété au vice-chancelier d’Empire Nicolas ZIEGLER et les fils Ziegler en vendirent la moitié en 1566 et l’autre moitié en 1568. En 1568, c’est la Ville de STRASBOURG qui en devint propriétaire jusqu’à la Révolution.
Le Bourg a souffert de nombreux sièges, pillages et incendies en 1375 par les Anglais, en 1444 par les Armagnacs, en 1592 par les Lorrains, en 1631 par les Autrichiens et en 1632 par les Suédois. Le 9 novembre 1678, les troupes françaises mirent le feu à la localité qui brûla pendant quatre jours. La reconstruction fut lente et les bâtiments édifiés modestes. Barr fut rattaché à la France en septembre 1680. En 1736 commence le procès forestier opposant les villages de la Seigneurie à la Ville de Strasbourg.
Au XVII ème siècle
La guerre de 30 ans de 1618 à 1648 verra la victoire du roi Louis XIV et par le traité de Westphalie signé entre la France et l’Empereur, l’Alsace sera cédée à la France sauf les dix villes de la Décapole, à savoir, Haguenau, Colmar, Sélestat, Turckheim, Obernai, Rosheim, Kaysersberg, Munster, Wissembourg, Landau et Mulhouse qui finira par se rattacher à la Confédération helvétique. Strasbourg reste une ville libre. Les Autrichiens en 1631-32, les Suédois en 1632 ; les Français en 1636 passèrent par Barr. La maison du bailli fut détruite et reconstruite en 1640.
Entre 1648 et 1681, les villes se soumettent peu à peu au roi Louis XIV. Le rattachement de Strasbourg au royaume de France se fera en 1681. Après de rudes combats Barr devient également terre française. Un drame épouvantable aura lieu à Barr en 1678. Les troupes françaises étaient cantonnées à Barr au mois de novembre et une partie occupait l’hôtel du Brochet. Une jolie fille fiancée au Barrois Andreas Fromm dut subir les avances d’un officier français et le fiancé pour se venger tua cet officier. La vengeance française fut terrible, puisque le feu fut allumé le 9 novembre et que la ville brûla trois jours et trois nuits. Le fiancé fut pendu près de l’église et la légende dit qu’il réussit à se dégager de la potence grâce à la serpette qu’en bon vigneron il avait toujours dans sa poche. Il a fait souche ultérieurement car nous connaissons des descendants. On prétend également qu’il aurait eu la vie sauve parce qu’il s’est converti au catholicisme.
La ville de Barr est ruinée, les maisons du centre ville ont presque toutes brûlé, il ne restait que les caves et les rez-de-chaussée en pierre. Les linteaux de porte en pierre portent la date de la reconstruction souvent postérieure à 1700. Dans l’église aucun mariage n’est célébré entre le 17 septembre et le 6 mai 1679, aucun baptême entre le 6 novembre et le 25 mars (des baptêmes sont célébrés à Strasbourg), les enterrements ont lieu également à Strasbourg au cimetière St Gallen de novembre au mois de mars. C’est donc une véritable catastrophe pour Barr qui mettra longtemps à s’en remettre. Les premières maisons à être reconstruites sont situées dans la rue Neuve, die neue Gasse, située tout près de la Mairie. Une maison porte un témoignage bien visible de sa reconstruction. En effet une colonne en pierre dans la Stube porte l’inscription 1679, soit l’année suivante.
Après le rattachement de Barr au royaume de France, la religion catholique est favorisée. L’église protestante doit servir aux deux confessions s’il y a 7 familles catholiques dans la cité. Au début, des familles catholiques sont invitées à s’installer, les protestants qui veulent garder leurs postes à responsabilité sont obligés de se convertir et sont exemptés d’impôts pendant 3 ans. Le registre de baptêmes catholique écrit en latin fait mention de tous les nouveaux convertis. Les enfants sans père sont automatiquement catholiques. Les deux confessions se partagent l’église St Martin qui devient un simultaneum, les catholiques gardent le chœur et les protestants la nef, les meilleurs horaires sont réservés aux catholiques en milieu de journée. Les protestants disposent de l’église aux premières heures de la matinée et en soirée, ainsi on se marie, on baptise et on enterre entre 7h et 9h le matin et le soir chez les protestants.
Les travaux de réfection du clocher en 2006 ont permis de découvrir de près les frises sculptées, les colonnes lombardes, le coq à la pointe de la flèche. Magnifique panorama sur Barr depuis le sommet, vue imprenable, souvenir inoubliable.
Ce fut le siècle de la reconstruction après l’incendie de 1678. Les murs d’enceinte de la ville disparaissent peu à peu, la ville se développe vers la vallée, de belles maisons se construisent dans la rue du collège.
Maison du bailli Marco en 1763 hors les murs
Au XVIII ème siècle
Au XVIII siècle, un procès qui devait durer près d’un siècle opposa les localités de la seigneurie de Barr à la ville de Strasbourg, leur suzerain, qui revendiquait la totalité des forêts de sa vassale. En 1763, une première décision en attribua le tiers à Strasbourg ; il y eut appel et ce ne fut qu’en 1836, sous la Monarchie de Juillet, que le verdict fut définitivement confirmé. Il y a encore une quarantaine d’années, de vieux Barrois appelaient la partie possédée par Strasbourg d’r g’stohlne Wàld, la forêt volée.
Mais on est toujours le voleur de quelqu’un : au XVIIIe siècle également, Strasbourg fit construire, en toute légalité, un petit canal qui détournait vers la Kirneck une partie des eaux qui auraient dû arriver à Andlau, et il y a une cinquantaine d’années, de vieux Andloviens parlaient encore du g’stohlnes Wasser, de l’eau volée. Aujourd’hui, cette affaire elle aussi paraît oubliée de part et d’autre ; il semble même que l’actuelle municipalité barroise ne connaisse plus l’existence du canal (encore entretenu dans les années 1980) et, la nature reprenant ses droits, les eaux retourneront peut-être bientôt à Andlau.
L'après Révolution française
Au bout d’un siècle, cette dernière gagna le procès et garda 880 ha au Hohwald. En 1793, le tribunal révolutionnaire, mené par l’accusateur public Euloge SCHNEIDER, dressa la guillotine sur la place de l’Hôtel de Ville et fit exécuter trois personnes.
La révolution, bien accueillie, donne à BARR le rang de Ville qui devint même temporairement le siège d’une sous-préfecture (1800 à 1806). Au cours du XIXe siècle, aux moulins à farine que faisaient tourner la Kirneck, se substituent des usines : teintureries en rouge d’Andrinople, filatures, fabriques de chaussons, tanneries. La population atteint un maximum de 5945 personnes en 1875.
La Révolution mit fin à la Seigneurie et constitua les villages en communes. Barr prit le nom de ville et devint même momentanément sous-préfecture de 1800 à 1806. La ville de Barr était depuis lors chef-lieu de canton du département du Bas-Rhin, arrondissement de Sélestat, titre qu’elle a perdu lors des dernières élections départementales.
La commune s’étend hors les murs en direction de la Vallée, le long de la Kirneck dans la rue de l’Ile. Plus de 80 petits ateliers de tanneurs étaient répartis dans la ville à côté des sept grandes tanneries : deux tanneries Dietz, la tannerie Diehl, démolie vers 1992 pour permettre la construction de l’école maternelle des Vignes, les tanneries Burcki, Simon. Dans la Rue du Collège fonctionne encore la tannerie Degermann, seule usine qui a longtemps résisté à la vague de désindustrialisation barroise. Elle a été rachetée par Chanel en 2020.
A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, 7 tanneries industrielles occupaient de nombreux ouvriers, deux tanneries Dietz, la tannerie Diehl dans la rue de l’Ile, la tannerie Bürcki et la tannerie Degermann dans la rue du Collège, la tannerie Simon dans la rue de la Kirneck et une autre tannerie Degermann au quai de l’Abattoir.
1944 à Barr
Le 28 novembre 1944, au cours de la libération par le septième armée américaine, des combats rudes endommagèrent l’Hôtel de Ville et plusieurs maisons du centre. Le récit de la libération de Barr du 25 au 29 novembre 1944 :
En novembre 1944, la 1ère Armée Française, commandée par le général de Lattre de Tassigny, déclenche une offensive cinglante dans le sud de l’Alsace. Elle bouscule le front allemand, conquiert Belfort et pousse jusqu’au Rhin en libérant Mulhouse, le 21 novembre. Deux jours plus tard, la 2e D.B. de Leclerc, au terme d’une épopée qui prit naissance au Tchad, à Koufra, libère Strasbourg. Voici le contexte local (côté Nazi et côté Américains).
Contexte Nazi
Le 24 novembre 1944, le lendemain de la chute de Strasbourg, des colonnes importantes de soldats allemands battus et désorganisés par la défaite, certains blessés, les vêtements en lambeaux, traversent Barr, en direction outre-Rhin. L’annonce de la libération d’Obernai laissait présager la fin du cauchemar. Néanmoins, dès le jeudi 23, Barr était bombardé par l’artillerie américaine depuis la région du Sommerain, et la population s’était réfugiée dans les caves. Le soir du vendredi 24 novembre, toutes les troupes allemandes avaient évacué Barr. Seuls les gardes aux barrages antichars étaient occupaient le bâtiment des postes, avaient été maintenus en ville. La compagnie sanitaire fut retirée le samedi après midi. Si les 25 et 26 novembre sont des journées calmes, le dimanche 26 au soir vers 22 heures arrive en gare de Barr un détachement allemand de la 106è brigade de chars Feldherrnhalle et le « Sturmbataillon Bittermann » (bataillon d’infanterie). Ce détachement comprend deux compagnies, soit environ deux cents hommes jeunes, fanatiques et surtout entraînés aux combats. Ils ont endossé leur tenue léopard et ont pour mission de défendre coûte que coûte, les localités de Barr et Dambach-la- Ville, afin de contrôler la percée alliée en direction de Sélestat. Leur armement est composé de chars, de véhicules blindés et d’un char « Tiger », ainsi qu’un groupement de la 280è brigade de canons automoteurs qui stationnera en réserve à Eichhoffen. Dès l’entrée des troupes en ville, les soldats pénétrèrent à grands coups de pieds et de crosses de fusils dans les habitations en ordonnant à la population de se réfugier dans les caves en laissant les portes de leur maison ouvertes.
Le lendemain lundi 27 novembre, le char « Tiger » patrouille rue de la Promenade, contrôlant par là même les deux carrefours, place de l’ancienne Gare et la route de Sélestat. De plus les barrages antichars sont consolidés avec l’aide de la population réquisitionnée et réarmés en différents points de la ville. En début d’après-midi, les barrois sont alertés par des combats qui se déroulent à Gertwiller et notamment par l’explosion du pont de la Kirneck, dynamité par les allemands. Dans le ciel du soir les barrois constatent les lueurs sinistres des incendies qui ravagent Gertwiller, où de très nombreuses maisons sont la proie des flammes. Déjà des soldats allemands blessés sont dirigés vers l’hôpital de Barr où le docteur Marcel Krieg avait aménagé dans les sous-sols, un poste de secours avec matériel chirurgical. En effet aucune des troupes en présence ne disposait, à ce moment précis, de services de santé à proximité du front des combats.
Contexte américain
La 2è division blindée du général Leclerc, après avoir effectué sa percée en Alsace, dès le 19 novembre par le Dabo et Obersteigen, se dirige vers Strasbourg. Le jeudi 23 novembre, la capitale alsacienne est libérée. Obernai est délivrée le lendemain 24 par des troupes du général Leclerc qui relevaient de la 7′ armée américaine du général Patch, la 14′ division blindée, dont le 48′ bataillon venait d’effectuer une autre percée depuis Wisches. À Obernai, ces unités avaient établi l’ensemble de leur logistique, matériel, provisions, munitions et autres.
Lundi 27 novembre, la décision est prise de poursuivre l’avancée vers le sud en direction de Barr, Dambach-la- Ville et Sélestat. Après avoir traversé Goxwiller, une colonne de chars américains arrive le jour même à l’entrée de Gertwiller. La bataille s’engage avec les troupes allemandes dont les renforts proviennent de Barr. Les américains se heurtent à une forte résistance et sont durement malmenés. Gertwiller est à feu et à sang. Dans l’impossibilité de passer les belligérants camperont sur leur position: à savoir les allemands le long de la voie ferrée et les américains autour du cimetière et sur le côté nord du village.
En revanche les éléments de la 103è division d’infanterie regroupés dans le groupement tactique n° 7, traversent les Vosges, descendent la vallée de Barr et réussissent sans trop de peine à faire leur jonction avec les éléments blindés, du 48è bataillon de chars.
25 novembre 1944
Toutes les troupes allemandes, à part quelques hommes de garde aux barrages avaient quitté Barr dans l’après-midi, et notamment l’unité médicale qui y stationnait depuis quelques temps et qui transporta sur la demande du docteur Marcel Krieg, quelques malades hospitalisés à leur domicile dans les villages environnants, en partant. Les barrages étaient fermés, on ne pouvait plus quitter la ville. Cette dernière était bombardée depuis deux nuits par les américains depuis le massif de l’Ungersberg, où les chars américains étaient arrivés par la route forestière venant de Villé.
Les allemands contenaient encore la poussée des alliés vers l’avant du Val de Villé. Le bombardement dans la nuit du samedi au dimanche avait provoqué la mort de M. Ochs, rue Neuve et avait endommagé le clocher de l’église catholique et quelques maisons. Tous les Barrois étaient dans les caves et depuis jeudi, le docteur Marcel Krieg avait fait descendre tous les malades dans les caves de l’hôpital de Barr. Là, dans un endroit qui lui paraissait plus à l’abri il avait fait installer un poste de secours avec des moyens opératoires.
26 novembre 1944
La matinée est calme et il ne reste que quelques militaires aux barrages avec des canons antichars et une unité de transmission à la poste. Les F. F. l de Goxwiller préviennent Conrad Karrer que les allemands acheminent par voie ferrée une unité d’infanterie et des chars, devant débarquer à Barr entre 3 et 4 heures du matin le 27 novembre. Très vite les F.F.I. décident de déboulonner les rails pour stopper le convoi. Mais quelle n’est pas leur surprise en arrivant à la gare de Barr vers 21 heures d’apprendre par le chef de gare : «Fuyez vite, les allemands sont déjà là, le train vient d’entrer en gare». Effectivement un horaire erroné avait été colporté pour déjouer tout attentat au convoi.
Dans les rues de Barr au soir du dimanche 26 novembre 1944 vers 22 heures, un important bruit de bottes, se manifeste, suivi de cliquetis d’armes et bruit de chenilles de blindés. Coups de pieds dans les portes, ordres gutturaux : « tout le monde dans les caves, ouvrez toutes les portes de vos maisons et fermez tous les volets !»
C’est ainsi que la «Panzerbrigade 106 Feldherrnhalle» arrive à la nuit tombante pour stopper les troupes américaines. Les chars qui se trouvaient sur les wagons sont débarqués : ils font partie du «Fameux Groupe, Bâke» qui comprend la brigade de chars, la 280e brigade de canons automoteurs du major Kuhme, le bataillon de grenadiers motorisés du capitaine Bittermann et le groupe de combat «Reuter» avec deux compagnies de grenadiers, une de transmission et une de renseignements.
27 novembre 1944
Le docteur Marcel Krieg témoigne : « En ce lundi matin, allant à l’hôpital, je vis en effet que les barrages rue Martin von Feuerstein (actuelle rue du Général Vandenberg) et rue de la Gare étaient fortement gardés et derrière le mur de l’hôpital, se profilait la tourelle d’un char « Tiger », pointant son canon de la rue de la Promenade vers la rue de la Poste et la rue de la Gare. Les soldats allemands occupaient les premiers étages des maisons de Barr et, de ce fait, il y avait peu de soldats dans les rues. »
Le carnet de route de la Panzerbrigade décrit les faits : « Des patrouilles signalent des bruits de chars à Obernai. Les villes de Molsheim et Mutzig sont aux mains des américains, qui approchent de Innenheim, Barr et Gertwiller. Nous avons perdu les hauteurs de Triembach au nord ouest du village … ».
Vers 13 h 30, les américains attaquent depuis une bonne heure, en provenance d’Obernai vers Gertwiller- Bourgheim avec 28 chars et vers Goxwiller-Valff avec une quarantaine de véhicules blindé. Ces attaques sont contenues et contre-battues par les lanceurs de mines comparables aux « Orgues de Staline » du bataillon de grenadiers Bittermann.
Le 64e corps d’armée allemand communique à 16 heures : « Depuis 14h30, attaque ennemie avec 60 chars et 2 bataillons motorisés d’infanterie depuis Obernai, par Goxwiller, en direction de Bourgheim. Les deux villages seraient occupés par les américains. Le groupe blindé de la 106è brigade de chars attaque à Gertwiller. La résistance est telle de part et d’autres que nous restons installé sur les talus du chemin de fer. »
Le combat fait rage, les allemands occupent la moitié ouest et sud du village, les américains la partie nord, le long de la route de Goxwiller à Sélestat. La nuit survenant, les chars américains se retirent, laissant quelques uns en position, les allemands se fixent sur les talus longeant la voie ferrée, en creusant des trous individuels.
Le docteur Krieg poursuit : « L’après-midi, j’avais deux consultantes, dans mon cabinet, quand subitement des combats éclatèrent du côté de Gertwiller. L’intensité monta très rapidement et d’où j’habitais à l’époque, quai de l’Abattoir, on entendait siffler les balles tout au long de la rue. Renvoyant mes deux clientes, je me rendis à l’hôpital et là, depuis le deuxième étage, je découvris l’ampleur des combats, qui se déroulaient sur le village, dans sa partie nord et sur la route de Strasbourg. L’engagement était très violent de la part des chars américains voulant forcer l’entrée du village. Déjà de ci-delà, des incendies s’allumaient, entraînant une fumée noire qui s’abattit bientôt sur l’ensemble de la ville de Barr.
28 novembre 1944
La matinée à Barr est calme. Le détachement de la 106e brigade de chars Feldherrnhalle, formée par des S.A. et non par des SS comme on l’avait cru tout d’abord, et le bataillon de choc Bittermann formé de jeunes de 18 à 20 ans, encore gonflés à bloc pour combattre, avaient reçu l’ordre de défendre Barr et de ne pas laisser progresser les chars américains.
Et c’est ainsi que chaque maison devint un « bunker » et abrités derrière les volets clos des nids de mitrailleuses lourdes et des « bazookas ». Heureusement pour Barr et ses habitants, le temps est bouché et il fait très froid et l’aviation ne peut intervenir dans les combats. Néanmoins, en fin de matinée, un obus incendiaire tombe sur l’Hôtel de Ville de Barr où éclate un violent incendie qui n’est découvert que vers midi par un employé municipal. À cette même heure les tirs d’artillerie reprennent d’intensité. Mais l’Hôtel de Ville brûle ! La pompe d’incendie marcha toute la journée et les pompiers et les volontaires présents, sous le feu des américains et allemands tentèrent de d’éteindre le feu de ce monument chère aux yeux des barrois. Vers 22 heures, subitement, elle s’arrêta. Il aura fallu démonter, remonter le monteur, changer les bougies et un peu d’essence pour que le tout se remit à fonctionner. Évidemment depuis l’après-midi, il n’y a plus d’électricité, mais la motopompe remarche et les pompiers continuent leur tâche en combattant l’incendie dans des conditions exténuantes et meurtrières, sous les coups de l’artillerie allemande qui bombardera la ville toute la nuit. Vers quatre-cinq heures du matin, l’incendie de l’Hôtel de Ville est circonscrit.
Mais revenons en début d’après midi, alors que les combats redoublent de violence en provenance de Heiligenstein. Des incendies s’allument en haut de la rue Sultzer, les maisons Kormann et Stoffel sont atteintes. Un intense mouvement avec un bruit de plus en plus fort de chenilles de chars s’entend au milieu de la rue Sultzer et du réservoir d’eau. Un terrible combat s’engage entre les deux belligérants dès le premier barrage, puis au second situé face de l’ancienne manufacture de chemises, dans la même rue.
Il ressort du carnet de route de l’armée américaine, que les chars se fourvoyèrent dans les rues de Barr cherchant à tout prix un passage parmi ce déluge de feu. Beaucoup revenant en arrière furent anéantis par les tirs de mitrailleuses lourdes et surtout par les bazookas à titre de preuves ces quelques citations : « Le sergent chef William Winslow prit en main le 3è peloton, il passa deux barrages, détruisit une maison, suspecte, mais son char fut à son tour détruit par le feu. Le sergent Forest Gable était en tête de colonne. Devant lui une Jeep de reconnaissance et un véhicule blindé furent mis hors de combat avant d’entrer dans la ville, il continue d’avancer dans les rues détruisant une autre maison suspecte (on saura bien plus tard que « ces maisons dites suspectes » contenaient des nids de mitrailleuse lourdes, qui furent détruites avec leurs servants). C’est alors qu’il fut attaqué par des mitrailleuses lourdes qui tiraient du premier étage de la ferme de l’hôpital. Il riposta et détruisit l’ennemi. Parut alors un soldat armé d’un bazooka, qui détruisit son char. Le fantassin L. Hennery qui suivait le char, abattit l’allemand avec sa mitraillette… ».
Mais alors que les chars américains envahissaient les rues de Barr, le capitaine allemand te Heesen, commandant les chars allemands trouve la situation critique pour ses hommes et son matériel, car les américains semblent avoir un nombre impressionnant de blindés en action dans la ville et à sa périphérie. II prend peur et appelle à la rescousse la compagnie de «Sturmgeschutze» en réserve à Eichhoffen.
Treize chars américains furent détruits cet après midi du 28 novembre en ville sur les 17 qui y étaient entrés. Les chars du 48e bataillon américain entrant à Barr par la route de Heiligenstein, devaient traverser la ville tout en repoussant les allemands vers le sud-est, rue de la Gare et route de Sélestat. D’ailleurs, dans le communiqué du commandement du 14è corps d’armée allemande du 28 novembre 1944, le général commandant le corps félicita l’élément de la brigade 106 pour son remarquable soutien au corps d’armée et lui exprima sa grande reconnaissance et le signala à l’Ordre de l’Armée.
Mais pendant que les combats faisaient rage entre les allemands et les chars américains, une autre unité américaine, le 3e bataillon du 411e régiment d’infanterie, faisant partie de la 103e division américaine, commandée par le major William Kasper, bousculait le barrage de la vallée et entrait dans Barr. Eux aussi repousseront les allemands vers la route de Sélestat, complétant la manœuvre des chars de Ferris pour les bouter hors de la ville. On comprend mieux la réaction du capitaine allemand Heesen qui a vu de cette nouvelle arrivée massive de l’infanterie appela à l’aide les canons automoteurs en réserve à Eichhoffen. Les chars allemands subirent aussi de très lourdes pertes. Les grenadiers du groupe « Reuter » stationnés à Dambach-la-Ville furent aussi contactés. Mais ces derniers n’arrivèrent qu’au début de la nuit, alors que les américains occupaient la ville et que les allemands se retiraient. Ils n’intervinrent plus sur Barr.
À 16 heures, un communiqué radio du Quartier Général du 6è corps d’armée américain signalait: « La ville de Barr a été prise par les 1er, 3e et 7e bataillons d’ infanterie du 411e régiment et du 7e C.C (Command Corps) et de la 103 division d’infanterie ».
Le 3ème bataillon quitta Barr le soir même pour participer à la libération d’Andlau, la même nuit. Un autre bataillon le remplaça à Barr et se mit en « hérisson » pour la nuit avec les hommes du major England du 48è Bataillon de chars, formant un « team char-infanterie » sur une place de Barr, pour arrêter un éventuel retour des allemands. D’autres unités américaines descendirent par la route du Hohwald et prêtèrent main forte au 3è bataillon du major Kasper.
29 novembre 1944
Malgré les obus qui frappaient encore la ville, les barrois commençaient à sortir des caves et découvraient l’ampleur des dégâts et les morts des deux camps dont nos libérateurs, jonchant le sol ou encore accrochés aux tourelles de leurs chars qui avaient explosé. Scènes horribles à contempler. Mais déjà d’autres chars arrivaient en ville et la population manifesta sa joie envers les «Libérateurs». Mais les soldats américains entendant parler allemand se crurent d’abord en Allemagne et il y eut quelques méprises dans un premier temps. L’apparition rapide des drapeaux français aux fenêtres les rassura définitivement. C’est ce que découvrirent les américains de la 103e division, le 29 au matin, allant de maison en maison pour rechercher leurs blessés et nettoyer la ville des allemands cachés, de même que ceux du 48e bataillon de chars. Les soldats trouvèrent encore dix-neuf des leurs très grièvement blessés, restés toute la nuit dans les rues ou dans les maisons.
À la suite des sanglants combats et de la perte d’environ 90 hommes, le commandement du 48e bataillon de chars reconstitué fut confié au major John Cavin le 29 au matin. Celui-ci traversa Barr avec le reste du bataillon pour continuer la lutte.
Barr se souvient
Le 20 janvier 1992
L’Airbus A320 d’Air-Inter assurant la liaison Lyon- Strasbourg s’écrasa dans la forêt toute proche de Barr le 20 janvier 1992 causant la mort bilan 87 personnes. Seuls 9 passagers survivront à cette catastrophe.
Notre ville, ses habitants et plus particulièrement ses secours et ses élus de l’époque ont été tout fortement mobilisés à l’occasion de cette tragédie que personne n’oublie.
Stolpersteine
Notre ville attache la plus haute importance au devoir de mémoire. Nous avons initié la pose des Stolpersteine ( pavés de mémoire ) en hommage aux victimes barroises du régime nazi.
Nos cérémonies officielles du 11 novembre et du 8 mai sont organisées avec l’association « Barr mémoire et traditions » ( https://www.barr-memoire.com/ ) en n’oubliant pas la spécificité de nos « incorporés de force » et avec le concours actif de notre Conseil Municipal de Jeunes.
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » Winston Churchill